Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/83

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épaules, j’ai vu qu’elle avait des bleus partout ; elle m’a dit qu’elle était tombée sur des pierres ; mais je trouvais singulier qu’une chute eût amené de pareilles contusions. Quand les enfants m’ont raconté hier l’histoire du chemineau et de son prétendu rêve, tout cela m’est revenu, et j’ai été parler à Germain dans l’après-midi. Comme il l’avait suivie, il devait savoir ce qui lui était arrivé. Il m’a semblé embarrassé ; j’ai vu qu’il y avait quelque chose qu’il me cachait. Je l’ai pressé de questions. Alors il m’a avoué qu’il avait entendu crier ; qu’il avait rencontré le chemineau à moitié ivre, qui lui raconta qu’il avait corrigé une petite demoiselle impertinente, toute l’histoire que madame l’a entendu redire chez Castelsot… Germain n’avait pas voulu en parler, de peur d’humilier Félicie. Mais madame comprend que c’est en effet pénible pour Félicie de se trouver en présence de cet homme qui l’a battue ; elle doit craindre qu’il ne dise quelque chose qui la fasse reconnaître. »

Mme d’Orvillet était désolée du récit de la bonne. Elle resta quelque temps sans parler ; enfin, elle dit avec une vive émotion :

« Mon Dieu ! quelle affaire elle s’est attirée par ses insolences ! C’est affreux pour elle ; et je conçois, en effet, sa répugnance à se retrouver en la présence de ce malheureux homme, qu’on ne peut pourtant pas trop accuser, puisqu’il était ivre. Mais comment ne m’en a-t-elle pas parlé ? Si je l’avais su, j’aurais agi tout autrement. Et puis nous l’aurions soignée, car elle a dû beaucoup souffrir.