Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/163

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madame blondel.

Il se sera blotti dans quelque coin.

madame bonard.

Pourvu qu’on ne l’ait pas massacré !

madame blondel.

Ah ! ça se pourrait ! Ces chemineaux, c’est si méchant ! Ça ne connaît ni le bon Dieu ni la loi. »

Mme Bonard, plus morte que vive, continua à crier, à appeler Frédéric, à courir de tous côtés, cherchant dans les greniers, dans les granges, dans les étables, les écuries, les bergeries. Son amie l’escortait, criant plus fort qu’elle, et lui donnant des consolations qui redoublaient le désespoir de Mme Bonard.

« Ah ! ils l’auront égorgé… ou plutôt étouffé, car on ne voit de sang nulle part… Quand je vous disais que ces chemineaux, c’étaient des démons, des satans, des riens du tout, des gueux, des gredins !… Et voyez cette malice ! ils l’auront jeté à l’eau ou enfoui quelque part pour qu’il ne parle pas. »

Après avoir couru, cherché partout, les consolations de Mme Blondel produisirent leur effet obligé ; Mme Bonard, après s’être épuisée en cris inutiles, fut prise d’une attaque de nerfs, que son amie chercha vainement à combattre par des seaux d’eau sur la tête, par des tapes dans les mains, par des plume brûlées sous le nez ; enfin, voyant ses efforts inutiles, elle reprit son premier exercice, elle poussa des cris à réveiller un mort. La force de ses poumons finit par lui amener du secours ; Bonard, qui revenait tout doucement de la foire