Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/188

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avec du rouge ; et puis il lui a fait boire à la fin du cidre en bouteilles, qui moussait comme son champagne ; c’est ça qui lui aura porté à la tête ! Ce pauvre M. Georgey ! C’est donc pour cela qu’il me demandait pardon le long du chemin en revenant ; il paraissait honteux. Et moi qui me méfiais d’Alcide et qui allais à la foire pour empêcher qu’il ne fût attrapé ! Je l’ai laissé enivrer et… voler peut-être.

madame bonard.

Volé !… Comment ?… tu crois que…, qu’Alcide… ?

julien, avec précipitation.

Non, non, maîtresse, je ne crois pas ça ; je ne crois rien, je ne sais rien. J’ai parlé trop vite. »

Bonard et sa femme gardèrent le silence ; ils engagèrent Julien à aller se coucher. Il leur souhaita le bonsoir et alla regagner son petit grenier.

Arrivé là, il pria et pleura longtemps.

« Ce que c’est, pensa-t-il, que le mauvais exemple et de mauvais camarades ! Sans eux, je n’aurais pas la honte de m’être enivré ; le pauvre M. Georgey n’aurait pas non plus à rougir de sa journée de foire ! Pauvre homme ! c’est dommage ! il est si bon !… Et comme Alcide a gâté Frédéric ! Mes malheureux maîtres ! il leur donnera bien du chagrin ! Et moi qui m’en vais ! Ils n’auront personne pour les aider, les soigner… Et de penser qu’il faut que je m’en aille pour ne pas leur être à charge ! Ah ! si je n’avais pas eu cette crainte, je ne les aurais jamais quittés. Mes bons maîtres ! s’ils étaient plus