Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/225

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enquête ; je ne veux pas qu’on vous croie un voleur, un scélérat ! Personne ne le croirait, d’ailleurs. Vous, riche, briser un meuble pour voler un pauvre homme ! C’est impossible ! Personne ne vous croirait.

m. georgey.

Croirait très parfaitement. Jé disais : Moi Georgey voulais habillement joli de pétite Juliène pour lé foire. Moi Georgey pas trouvé lé clé. Moi Georgey beaucoup fort entêté, moi voulais ; jé voulais habillements. Moi Georgey riche. Moi casser fermeture, moi prendre habillements et argent pour amuser pétite Juliène et les autres, car moi oublier emporter jaunets dans ma poche. Moi révenir de foire trop tardivement hier. Moi révenir en lé jour d’aujourd’hui pour raconter, demander excuse et faire payement pour dédommager. Et jé fais payement avec les jaunets du pocket dé la pétite Juliène. C’était très bien, ça. Moi payer bon dîner à gendarmes et tout sauvé. »

À mesure que M. Georgey parlait, le visage de Bonard s’éclaircissait. Quand M. Georgey eut terminé son explication, le pauvre Bonard, rempli de reconnaissance, se précipita à genoux devant le généreux Anglais, et, joignant les mains, s’écria :

« Oh ! monsieur, vous me sauvez plus que la vie ! Vous sauvez notre honneur à tous ! Vous sauvez mon misérable fils ! Vous me sauvez d’un crime ! Je n’aurais pu le voir sans le maudire, sans le tuer peut-être. Oh ! Monsieur, soyez béni ! Toute ma vie je vous bénirai comme mon bon ange, mon sauveur !