Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/41

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julien.

C’est que j’ai pensé que si Monsieur et Madame le savaient, j’en serais honteux, et que si je faisais la chose, ce serait en cachette de M’sieur. Alors je me suis dit : « Prends garde, Julien ; ce que tu n’oses pas montrer au grand jour n’est pas bon à voir. Et si m’sieur Bonard, qui a été si bon pour toi, te fait peur, c’est que tu mériterais châtiment. » Et j’ai vu que j’avais eu une méchante envie, et j’en ai eu bien du regret, M’sieur, bien sûr ; et je me suis dit encore que, pour me punir, je vous raconterais tout.

bonard.

Tu as bien fait, Julien ; tu es un bon et honnête garçon. Mais compte donc tes dindes pour voir s’il ne t’en manque pas : il me semble avoir vu courir quelqu’un dans le bois il y a un instant.

— Oh ! M’sieur, elles y sont toutes ; je les comptais tout en marchant. »

Malgré l’assurance de Julien, Bonard fit le compte du troupeau.

bonard.

Je n’en trouve que quarante-cinq, mon garçon. Il t’en manque une.

julien, étonné.

Pas possible, M’sieur, puisque je viens de les compter en approchant de la barrière. »

Au moment où ils allaient recommencer leur compte, des piaulements se firent entendre ; ils virent un dindon qui cherchait à passer à travers les claires-voies de la barrière. Julien courut lui ouvrir et s’écria joyeusement :