Page:Ségur - Les Bons Enfants, édition 1893.djvu/243

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Nous avons beau le tirer, le secouer, rien n’y fait ; il n’ouvre seulement pas les yeux. »

Nous menons la grosse fermière chez maman ; elle lui raconte ce qu’elle nous a déjà dit. Maman lui conseille de mettre quelques gouttes d’alcali dans une cuillerée d’eau et de la faire avaler à son cochon. La fermière remercie et s’en va. Une heure après, maman nous propose d’aller savoir des nouvelles du cochon ; nous sommes enchantés et nous y allons. Le cochon n’allait pas mieux ; il n’avait pas bougé. Maman lui trouva un air singulier ; elle lui tâte les oreilles : froides comme un marbre ; le nez : froid comme la glace ; elle lui entrouvre l’œil : fixe comme un mort ; elle lui lève la patte : raide comme une jambe de bois !

« Votre cochon est mort, dit-elle ; il est mort depuis longtemps, il est froid et raide.

— Hélas ! notre cochon ! Pauvre bête ! Faut-il vraiment… Dis donc, François, viens voir ! Madame dit que notre cochon est mort. C’est-y malheureux ! Une bête qui valait plus de cent francs ! »

François examine, tâte à son tour, et dit, comme maman, que le cochon est mort et bien mort.

« C’est-y croyable ?… disaient-ils. Pour avoir mangé du cassis ! si je l’avais pensé hier, je lui aurais fait des remèdes, le remède de madame. C’est qu’il était déjà mort quand je lui ai fait avaler ce matin. »

Nous nous en sommes allés, puisqu’il n’y avait plus rien à faire pour ce cochon. Nous ne pouvions pas comprendre comment le cassis avait pu le