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LES VACANCES.

pensé. Je me souviens qu’une fois maman nous a dit : « Vous allez bientôt revoir votre petite voisine Sophie ; elle s’appelle maintenant Fichini au lieu de Réan ; mais ne lui parlez jamais ni de son papa ni de sa maman qui sont morts, ainsi que son cousin, sa tante et son oncle. Elle a une belle-mère avec laquelle elle vit et qui doit nous l’amener un de ces jours. » C’est pourquoi nous ne t’en avons jamais parlé, et j’avoue que je n’y ai même plus pensé, puisque je ne devais pas en parler.

MADELEINE.

Mais, toi-même pourquoi ne nous as-tu jamais raconté tout cela depuis trois ans que nous sommes ensemble ?

SOPHIE

À force de n’en pas parler, je n’y ai plus pensé, et je l’avais pour ainsi dire oublié. La vue du Normand et le peu qu’il m’a raconté ont tout rappelé à ma mémoire ; je me suis souvenue de ce que j’avais si bien oublié. Même tout à l’heure, en vous racontant mon naufrage et le mariage de papa, beaucoup de choses me sont revenues, et, à présent, je crois voir ce bon capitaine embrassant Paul qui pleurait et lui tenait les mains, et le visage pâle et désolé de mon pauvre papa. Je crois entendre les cris de maman et de ma tante quand