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LES VACANCES

tir, fit partir le plus de monde possible sur la première chaloupe et ordonna à ses gens d’enlever les personnes qui restaient et de les sauver de gré ou de force en les faisant passer sur la seconde chaloupe. Des matelots enlevèrent maman et ma tante malgré leurs cris. Papa et mon oncle voulaient aller nous chercher ; on leur dit que nous étions déjà embarqués. Dans le tumulte et la frayeur d’un naufrage, c’était vraisemblable. On les jeta dans la chaloupe, où ils trouvèrent maman et ma tante qui nous appelaient à grands cris. Papa voulut s’élancer sur le vaisseau, on le retint de force ; mon oncle cria : « Attendez-moi ! » et remonta sur le bâtiment. Il ne me vit pas ; j’étais derrière le commandant ; mais il aperçut Sophie, il la saisit dans ses bras et courut à la chaloupe ; on avait déjà coupé la corde qui la retenait au vaisseau, et sans écouter ses supplications et les cris de ma pauvre tante, ils s’éloignèrent. Leur chaloupe trop chargée fut presque immédiatement engloutie par une vague énorme, avant que mon oncle la perdît de vue. Alors mon oncle voulut au moins me sauver ainsi que Sophie ; il me demanda au commandant, qui lui représenta l’imprudence de se risquer tous ensemble sur une planche ou un morceau de mât brisé. Le Normand proposa de mettre à la mer un grand baquet où mon oncle