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LES VACANCES.

revenait pas ; les sauvages l’avaient-ils découvert et fait prisonnier ? À chaque minute nous nous attendions à les voir apparaître. Une fois nous entendîmes craquer une branche si près de nous, que mon père, m’écartant doucement, saisit sa hache et se tint prêt à frapper. Pendant quelques instants, nous restâmes immobiles, osant à peine respirer. Le bruit cessa, les voix s’éloignèrent ; nous nous crûmes sauvés, lorsque je sentis tout à coup une main qui me saisissait la jambe ; je ne criai pas, mais je me raccrochai à mon père, qui me regarda avec surprise ; il ne voyait pas la main qui me tenait, et moi je me sentais entraîné. Une seconde main vint saisir mon autre jambe, et je serais tombé le nez par terre, si je ne m’étais retenu avec une force surnaturelle aux jambes de mon père. « Paul, qu’as-tu ? me dit-il tout bas et avec terreur. — Il me tire ! il me tire ! mon père, sauvez-moi ! » lui répondis-je bas aussi. Mon père regarda à terre, vit les deux mains ; il les saisit à son tour, et avec une force irrésistible, il tira violemment l’homme auquel appartenaient ces mains. Il amena un jeune sauvage, qui lui fit des gestes suppliants et qui finit par se jeter à genoux. Il avait l’air doux et craintif. Mon père lui fit signe de regarder, leva sa hache, et d’un seul coup abattit un arbre plus gros que le bras.