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LES VACANCES.

pouvais m’aider en rien. Les sauvages étaient si maladroits et si brusques, que leur aide me faisait gémir malgré moi ; Paul ne voulut plus qu’ils me touchassent. Il me donnait à boire du lait de coco ou de l’eau fraîche avec quelques gouttes de citron. Tout le temps de ma longue maladie, ma cabane fut propre et rangée comme si je venais d’y entrer. Aussi, quand je fus en état de comprendre et de voir, avec quelle douleur je regardai le visage hâve, pâle, amaigri, de mon pauvre enfant ! Combien je me reprochai de m’être laissé aller à un chagrin coupable et si contraire à la résignation d’un chrétien ! Comme je fus touché et reconnaissant du dévouement de cet enfant, et comme je m’attachai à lui, et à la vie à cause de lui ! Il avait passé les heures, les jours, les semaines, à me soigner et à prier pour moi, tandis que, près de lui, je mourais de chagrin d’être loin de vous, ma femme et ma Marguerite. Je demandai pardon à Dieu, je demandai du courage et une résignation plus chrétienne, et je guéris. Voyez, mes amis, si j’ai raison d’aimer mon Paul comme j’aime ma Marguerite. Il m’a deux fois sauvé du désespoir, de la mort du cœur. Et c’est toi mon fils, qui me remercies, c’est toi qui prétends me devoir de la reconnaissance ! Ah Paul, tu te souviens de mes bienfaits, et tu oublies trop les tiens. »