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LES VACANCES.

avaient l’air de vouloir me la prendre : « Essayez donc, que je leur dis en la brandissant autour de ma tête, et le premier qui m’approche je le fends en deux depuis le sommet de la tête jusqu’au talon. » Ils ont eu peur tout de même, et m’ont laissé tranquille pendant quelques jours. Puis j’ai vu que ça se gâtait ; ils me regardaient avec des yeux, de vrais yeux de diables rouges. Si bien qu’une nuit, pendant qu’ils dormaient, je leur ai pris un de leurs canots, pas mal fait tout de même pour des gens qui n’ont que leurs doigts, et me voilà parti. J’ai ramé, ramé, que j’en étais las. J’aperçois terre à l’horizon ; j’avais soif, j’avais faim ; je rame de ce côté et j’aborde ; j’y trouve de l’eau, des coquillages, des fruits. J’amarre mon canot, je bois, je mange, je fais un somme. Je charge mon canot de fruits, d’eau que je mets dans des noix de coco évidées, et me voilà reparti. Je suis resté trois jours et trois nuits en mer. J’allais où le bon Dieu me portait. Les provisions étaient finies ; l’estomac commençait à tirailler et le gosier à sécher, quand je vis encore terre. J’aborde ; j’amarre, je trouve ce qu’il faut pour vivre ; arrive une tempête qui casse mon amarre, emporte mon canot, et me voilà obligé de devenir colon dans cette terre que je ne connaissais pas. J’y ai vécu près de cinq ans, atten-