Page:Ségur - Lettres d une grand mère.djvu/88

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Kermadio, 1871, 9 janvier.

Mon cher petit Jacques chéri, j’ai reçu hier ta bonne lettre… J’ai écrit à papa pour le mettre au courant de ta vie ; il verra que tu lui as écrit plusieurs lettres qui ne lui sont pas arrivées ; il en est de même partout…..

Ces coquins de Prussiens sont dans tout le nord et le centre de la France… La gelée nous a abandonnés ; c’est un premier bienfait ; je vais commander quelques chapelets pour le R. P. qui confesse les zouaves ; je te les enverrai quand ils seront faits ; ce ne sera pas avant huit ou dix jours ; dans ce pays-ci, le travail va lentement… les ouvriers d’ici sont très ignorants, maladroits et négligents.

Hier on a tiré les Rois à la cuisine ; le petit Armand a été voir ce qui se passait ; c’est Uruty qui a été roi ; Armand a été chercher son violon,il leur a joué des airs bretons ; ils ont dansé, chanté, crié : le roi boit, etc. On a fini par faire une immense ronde autour de la table sur laquelle était monté Armand, comme les violons de campagne ; il sautait et tour- nait sur sa table tout en jouant ou raclant du violon.et il a été enchanté de sa soirée. Tu juges ce que devait être la musique ; Armand n’a jamais appris le violon ; c’est au jugé qu’il joue les airs qu’il connaît ; il est vrai qu’il joue bien du piano et qu’il a beaucoup de sens musical…..

Si tu as besoin de ciseaux à ongles et d’un couteau-canif-serpette, je te l’enverrai dans une boîte prochaine. Je t’embrasse bien tendrement, mon cher petit. Tout le monde t’embrasse et te souhaite la bonne année.


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