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GRAND’MÈRE


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Jamais, jusqu’à ce jour, je n’avais écrit pour les jeunes lecteurs de ma mère une Biographie (court résumé de sa vie), car je désirais la leur donner avec ses lettres charmantes à son cher petit Jacques, mon fils aîné.

Je serai brève : ne se peint-elle pas dans cette correspondance où elle montre pleinement son ardente bonté, son infatigable sollicitude, sa puissance d’aimer et sa piété profonde ? « Grand’mère » a une façon d’écrire qui n’appartient qu’à elle et sait donner du relief aux moindres choses. Longtemps sa modestie l’avait laissée dans l’ombre ; mais les prières de ses petits-enfants la décidèrent à livrer son nom à la publicité, et la publicité, ce fut pour elle la célébrité.

Sa vie retirée la dérobait néanmoins aux yeux curieux de la foule. On savait bien que c’était la fille de l’illustre Rostopchine, de l’incendiaire patriote de Moscou, qui écrivait les histoires délicieuses que s’arrachaient des milliers de petites mains ; puis, c’était tout ! Parfois une tête brune ou une tête blonde venait inopinément s’offrir naïvement au baiser affectueux de la vénérable et célèbre conteuse… Ces jolies scènes étaient rares, tant ma mère