Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/115

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arrivâmes ainsi jusqu’à une forêt où les enfants devaient voir de très belles ruines d’un vieux couvent et d’une ancienne chapelle. Elles avaient une mauvaise réputation dans le pays ; on n’aimait pas à y aller autrement qu’en nombreuse compagnie. La nuit, disait-on, des bruits étranges semblaient sortir de dessous les décombres ; des gémissements, des cris, des cliquetis de chaînes ; plusieurs voyageurs qui s’étaient moqués de ces récits et qui avaient voulu aller visiter seuls ces ruines, n’en étaient pas revenus ; on n’en avait jamais entendu parler depuis.

Quand tout le monde fut descendu d’âne, et qu’on nous eut laissés paître, la bride sur le cou, les papas et les mamans prirent leurs enfants par la main, leur défendant de s’écarter et de rester en arrière ; je les regardais avec inquiétude s’éloigner et se perdre dans ces ruines. Je m’éloignai aussi de mes camarades et je me mis à l’abri du soleil sous une arche à moitié ruinée qui se trouvait sur une hauteur adossée au bois, et un peu plus loin que le couvent. J’y étais depuis un quart d’heure à peine lorsque j’entendis du bruit près de l’arche ; je me blottis dans une épaisseur du mur ruiné d’où je pouvais voir au loin sans être vu. Le bruit, quoique sourd, augmentait ; il semblait venir de dessous terre.

Je ne tardai pas à voir paraître une tête d’homme qui sortait avec précaution d’entre les broussailles.

« Rien… dit-il tout bas après avoir regardé