Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vingt francs pour habiller un enfant de six à sept ans ; dit la maman de Camille ; mais c’est horriblement cher. Qu’avez-vous donc acheté ? »

Thérèse ne savait seulement pas ce que Madeleine et Élisabeth s’étaient dépêchées d’acheter, de sorte qu’elle ne put répondre.

Mais la marchande, arrivant avec son paquet, interrompit la conversation, à la grande joie de Madeleine et d’Élisabeth, qui commençaient à craindre d’avoir acheté des choses trop belles.

« Bonjour, madame Juivet, dit la grand’mère ; défaites votre paquet ici sur l’herbe, et faites-nous voir les emplettes de ces demoiselles. »

Mme Juivet salua, posa son paquet, le défit, en tira la note, qu’elle présenta à Madeleine, et étala ses marchandises.

Madeleine avait rougi en prenant la note ; sa grand’mère la lui prit des mains, et poussa une exclamation de surprise :

« Trente-deux francs pour habiller une petite mendiante !… Madame Juivet, ajouta-t-elle d’un ton sévère, vous avez abusé de l’ignorance de mes petites-filles ; vous savez très bien que les étoffes que vous apportez sont beaucoup trop belles et trop chères pour habiller une enfant pauvre ; remportez tout cela, et sachez qu’à l’avenir aucun de nous n’achètera rien chez vous.

— Madame, dit Mme Juivet avec une colère retenue, ces demoiselles ont pris ce qu’elles ont voulu, je ne les ai contraintes sur aucun article.