Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/269

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enfants à l’unisson. Va t’en ; nous ne voulons pas de toi. »

J’étais consterné. Tous, jusqu’à mon petit Jacques que j’aimais toujours tendrement, tous me chassaient, me repoussaient.

Je m’éloignai lentement de quelques pas ; je me retournai et les regardai d’un air si triste, que Jacques en fut touché ; il courut à moi, me prit la tête, et me dit d’une voix caressante :

« Écoute, Cadichon, nous ne t’aimons pas à présent ; mais, si tu es bon, je t’assure que nous t’aimerons comme auparavant.

— Non, non, jamais comme avant ! s’écrièrent tous les enfants. Il est trop mauvais.

— Vois-tu, Cadichon, voilà ce que c’est que d’être méchant, reprit le petit Jacques en me passant la main sur le cou. Tu vois que personne ne veut t’aimer… Mais… ajouta-t-il en me parlant à l’oreille, je t’aime encore un peu, et si tu n’es plus méchant, je t’aimerai beaucoup, tout comme avant.

Henri.

Prends garde, Jacques, ne l’approche pas de trop près ; s’il te donne un coup de dent ou un coup de pied, il te fera bien mal.

Jacques.

Il n’y a pas de danger ; je suis bien sûr qu’il ne nous mordra pas, nous autres.

Henri.

Tiens, pourquoi pas ? Il a bien jeté Auguste deux fois par terre.