Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/282

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pouvais parler, j’irais leur dire à tous que je me repens, que je demande pardon à tous ceux auxquels j’ai fait du mal, que je serai bon et doux à l’avenir ; mais… je ne peux pas me faire comprendre… je ne parle pas. »

Je me jetai sur l’herbe et je pleurai, non pas comme les hommes qui versent des larmes, mais dans le fond de mon cœur ; je pleurai, je gémis sur mon malheur, et, pour la première fois, je me repentis sincèrement.

« Ah ! si j’avais été bon ! si, au lieu de vouloir montrer mon esprit, j’avais montré de la bonté, de la douceur, de la patience ! si j’avais été pour tous ce que j’avais été pour Pauline ! comme on m’aimerait ! comme je serais heureux ! »

Je réfléchis longtemps, bien longtemps ; je formai tantôt de bons projets, tantôt de méchants.

Enfin, je me décidai à devenir bon, de manière à regagner l’amitié de tous mes maîtres et de mes camarades. Je fis immédiatement l’essai de mes bonnes résolutions.

J’avais depuis quelque temps un camarade que je traitais fort mal. C’était un âne qu’on avait acheté pour faire monter ceux de mes plus jeunes maîtres qui avaient peur de moi, depuis que j’avais manqué noyer Auguste ; les grands seuls ne me craignaient pas ; et même, lorsqu’on faisait une partie d’ânes, le petit Jacques était le seul qui me demandât toujours, au lieu que jadis on se disputait pour m’avoir.