Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/328

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ment. Quand on vous aura ramenés au bagne, il vous le dira. »

Et le brigadier sortit, laissant Passe-Partout dans un état de rage et d’inquiétude facile à concevoir.

« Pensez-vous, docteur, que ces hommes soient en état de marcher jusqu’à la ville ? demanda le brigadier à M. Tudoux.

— Je pense qu’ils y arriveront en ne les poussant pas trop, répondit M. Tudoux avec lenteur. D’ailleurs, lors même qu’ils tomberaient en route, on pourrait toujours les ramasser et les étendre dans une voiture qu’on irait chercher. Mais la tête est endommagée par le coup de pied de l’âne ; ils pourront bien en mourir dans trois ou quatre jours. »

Le brigadier était embarrassé ; quoique les prisonniers ne lui fissent éprouver aucune pitié, il était bon et il ne voulait pas les faire souffrir sans nécessité. M. de Ponchat, le papa de Pierre et de Henri, voyant son embarras, lui proposa de faire atteler une carriole. Le brigadier remercia et accepta. Quand la carriole fut amenée devant la porte, on y fit entrer Finot et Passe-Partout, chacun d’eux se trouvant entre deux gendarmes. De plus, on avait eu la précaution de leur attacher les pieds afin qu’ils ne pussent sauter de la carriole et s’enfuir. Le brigadier, à cheval, marchait à côté de la carriole, et ne perdait pas de vue ses prisonniers. Ils ne tardèrent pas à disparaître, et je restai seul devant la maison, mangeant de l’herbe,