Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/75

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sauvée et à l’abri de tout danger, elle se jeta à genoux, et fit une prière touchante pour remercier Dieu de l’avoir préservée d’un si terrible danger. Ensuite elle me remercia avec une tendresse et une reconnaissance qui m’attendrirent. Elle but quelques gorgées de l’eau du baquet et écouta. Le feu continuait ses ravages, tout brûlait ; on entendait encore quelques cris, mais vaguement, et sans pouvoir reconnaître les voix.

« Pauvre maman et pauvre papa ! dit Pauline, ils doivent croire que j’ai péri en leur désobéissant, en allant à la recherche de Cadichon. Maintenant il faut attendre que le feu soit éteint. Nous passerons sans doute la nuit dans la cave. Bon Cadichon, ajouta-t-elle, c’est grâce à toi que je vis. »

Elle ne parla plus ; elle s’était assise sur une caisse renversée, et je vis qu’elle dormait. Sa tête était appuyée sur un tonneau vide. Je me sentais fatigué, et j’avais soif. Je bus l’eau du baquet ; je m’étendis près de la porte, et je ne tardai pas à m’endormir de mon côté.

Je me réveillai au petit jour. Pauline dormait encore. Je me levai doucement ; j’allai à la porte, que j’entr’ouvris ; tout était brûlé et tout était éteint ; on pouvait facilement enjamber les décombres et arriver en dehors de la cour du château. Je fis un léger hi ! han ! pour éveiller ma maîtresse. En effet, elle ouvrit les yeux, et, me voyant près de la porte, elle y courut et regarda autour d’elle.