Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/94

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— L’âne de la mère Tranchet a donc bien réellement gagné montre et sac.

— Monsieur le maire, rassemblez le conseil municipal pour juger la question ; vous n’avez pas le droit tout seul. »

Le maire parut indécis ; quand je vis qu’il hésitait, je saisis d’un mouvement brusque la montre et le sac avec mes dents et je les déposai dans les mains de la mère Tranchet, qui, inquiète, tremblante, attendait la décision du maire.

Cette action intelligente mit les rieurs de notre côté et me valut des tonnerres d’applaudissements.

« Voilà la question tranchée par le vainqueur en faveur de la mère Tranchet, dit le maire en riant. Messieurs du conseil municipal, allons délibérer à table si j’étais dans mon droit en laissant faire justice par un âne. Mes amis, ajouta-t-il malicieusement en regardant André et Jeannot, je crois que le plus âne de nous n’est pas celui de la mère Tranchet.

— Bravo ! bravo ! monsieur le maire, cria-t-on de tous côtés. »

Et tout le monde de rire, excepté André et Jeannot, qui s’en allèrent en me montrant le poing.

Et moi donc, étais-je content ? Non, mon orgueil se révoltait ; je trouvai que le maire avait été insolent à mon égard en croyant injurier mes ennemis quand il les avait qualifiés d’ânes. C’était