Page:Ségur - Nouveaux contes de fées.djvu/258

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mourrons de faim, Violette, et malgré notre chagrin, il faut bien songer aux nécessités de la vie.

— Autant mourir de faim que mourir de douleur. Je ne m’écarterai pas de cette place où j’ai vu pour la dernière fois mon cher Ourson, où il a péri victime de sa tendresse pour nous. »

Passerose leva les épaules ; elle se souvint de la vache dont l’étable n’avait pas été brûlée : elle y courut, tira son lait, en but une tasse et voulut vainement en faire prendre à Agnella et à Violette.

Agnella se releva pourtant et dit à Violette d’un ton solennel :

« Ta douleur est juste, ma fille, car jamais un cœur plus noble, plus généreux, n’a battu dans un corps humain. Il t’a aimée plus que lui-même : pour t’épargner une douleur, il a sacrifié son bonheur. »

Et Agnella raconta à Violette la scène qui précéda la naissance d’Ourson, la faculté qu’aurait eue Violette de le délivrer de sa difformité en l’acceptant pour elle-même, et la prière instante d’Ourson de ne jamais laisser entrevoir à Violette la possibilité d’un pareil sacrifice.

Il est facile de comprendre les sentiments de tendresse, d’admiration, de regret poignant, qui remplirent le cœur de Violette après cette confidence ; elle pleura plus amèrement encore.

« Et maintenant, mes filles, continua Agnella, il nous reste un dernier devoir à remplir : c’est de donner la sépulture à mon fils. Déblayons ces dé-