Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/139

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bataille de cette grande guerre ; l’empereur, dis-je, voulut que sa garde, nouvellement formée, reçût le baptême du feu et prit sa part dans la gloire de cette lutte ; il en fit donc embarquer successivement tous les régiments. Déjà l’infanterie presque tout entière avait quitté la France ; c’était au tour de la cavalerie. L’empereur avait, dit-on, résolu d’aller prendre en personne le commandement du siège, et le brave régiment des guides, tout frémissant d’impatience, était désigné pour l’accompagner en Orient.

Déjà la semaine, le jour même du départ était fixé, et, huit jours avant cette époque, qui paraissait certaine, Hélion de Villeneuve, sûr de trouver dans les guides de braves camarades et des chefs bienveillants, mit son projet à exécution. Il s’engagea dans ce régiment comme simple soldat, et, malgré son chagrin de quitter pour la première fois et pour longtemps la maison maternelle, ce fut avec une grande joie qu’il endossa cet uniforme militaire, objet de tous ses désirs et de toute son affection. Dès le premier jour de son entrée au régiment, il se mit au métier avec un entrain et une gaieté sans pareils, accomplissant sans murmure et sans ennui les devoirs les plus durs et les plus pénibles du soldat, étonnant, par son aptitude et sa bonne humeur, les plus vieux troupiers du régiment. Aussi fut-il de prime abord aimé de tout le monde, selon sa coutume : ses chefs, qui, en dehors du service, étaient ses compagnons et ses amis, et qui avaient tous admiré sa résolution héroïque, l’estimèrent et l’aimèrent davantage encore, quand ils virent de quelle manière il la mettait à exécution. Ses camarades, avec lesquels il se montra affable, gai et sans façon, se mirent à l’adorer et le lui témoignèrent par mille preuves d’affection simples et naïves, dont il était si touché, qu’il en parlait presque les larmes aux yeux. Enfin, les plus