Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/43

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mois de septembre jusqu’à Pâques, nous observons le grand jeûne qui consiste en un seul repas, que nous prenons à deux heures et demie du soir, après none ; ce repas se compose d’une soupe et d’une portion de légumes à laquelle on ajoute quelques noix pour dessert. Dans le carême, on ne dîne que sur les quatre heures et demie, après vêpres ; pendant l’avent et tous les vendredis, on n’a pas de dessert ; les portions sont préparées à l’eau et au sel seulement. Dans le carême, la soupe est aussi supprimée les trois premiers vendredis et les derniers jours, on n’a que du pain et de l’eau pour ses repas[1].

« Le lever a lieu tous les jours, été comme hiver, à deux heures du matin, les dimanches à une heure, et certains jours de fête à minuit. Nous avons chaque jour sept ou huit heures de chœur, et le reste de la journée est employé au travail, à l’étude. Le travail consiste à cultiver nos terres, à charger souvent de grands mannequins de pierres, à enlever le fumier de nos écuries ou du laboratoire, à éplucher des légumes, à balayer le monastère, etc.

« Si tu étais inspecteur de ce département, tu me rencontrerais quelquefois sur la route, une brouette à la main, ramassant le fumier que les chevaux y ont laissé. Je ne te parle pas de toutes les pénitences corporelles ou humiliantes qui se pratiquent à la Trappe ; elles sont continuelles : il n’y a pas de jour qu’on n’ait à s’accuser de quelque manquement à la règle. Voilà, en abrégé, notre vie journalière. Dans l’été, nous avons un travail plus pénible, parce que c’est le temps de la moisson, et que les chaleurs sont assez fortes dans ce pays. Aussi dîne-t-on

  1. Note de l’auteur. — À ceux qui se récrieraient contre la folie de ces austérités, il est bon de rappeler que le jeûne pour tous les chrétiens, dans les premiers siècles de l’Église, consistait à ne rien prendre avant le coucher du soleil.