Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/96

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et la gloire toute céleste de cet apostolat[1]. Fondateur comme lui des Conférences de Notre-Dame, il enseigna d’abord pendant le carême et eut l’heureuse inspiration de faire suivre ses conférences d’une retraite pendant la semaine sainte. Plus tard, quand il se fut épuisé par excès de dévouement et de charité, il dut renoncer aux conférences pour se consacrer tout entier à l’œuvre non moins importante de la retraite.

Tous les soirs de la semaine, il réunissait une immense multitude d’auditeurs sous les grandes voûtes de Notre-Dame, et le fils de saint Ignace achevait l’œuvre commencée par le fils de saint Dominique. La foule n’était pas moins nombreuse, l’attention n’était pas moins grande, ni l’émotion moins profonde. Avant que l’apôtre eût ouvert la bouche, son attitude simple et recueillie, son visage où l’austérité était tempérée par une céleste douceur, le regard plein de désir et d’amour qu’il promenait sur son auditoire, avaient déjà fait pour lui le plus admirable des sermons. L’autorité avec laquelle il faisait le signe de la croix, la force immense de conviction qui animait tous ses gestes, qui remplissait toutes ses paroles, la grandeur de ses pensées, la majesté de son discours, et surtout la charité ardente qui dominait tout le reste, lui donnaient une puissance de conversion à laquelle peu d’âmes pouvaient se soustraire. On voyait l’amour qui le dévorait intérieurement, cet amour de Dieu et des hommes, plus fort que la mort elle-même, palpiter dans son cœur, s’en échapper comme un torrent de feu et s’épancher sur toutes ces âmes, rachetées par le sang de Jésus-Christ. On sentait, sans qu’il le dît, que, pour la moindre de ces âmes, il eût donné sa vie avec joie ; là était le secret de sa force

  1. Le R. P. de Ravignan, qui a été enlevé à l’Église le 20 février 1850.