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un monde inconnu

envoie la plus grande quantité possible de lumière réfléchie. De là, sur la partie obscure de la Lune, un reflet que les astronomes appellent la lumière cendrée. Ce n’est guère qu’à l’approche du premier quartier que ce reflet disparaît, la Terre, alors elle-même à son dernier quartier, ne lui envoyant plus que moitié moins de lumière.

Aussitôt que la partie de la Lune, où avaient apparu les premiers signaux, fût plongée dans une ombre véritable, le puissant foyer préparé par les soins de l’ingénieur G. Dumesnil s’enflamma comme un astre étincelant dans la profondeur des ténébres. Les jets lumineux, déchirant la nuit de leur clarté éblouissante, illuminèrent toute la contrée, et dans un rayon de cinquante lieues les habitants surpris purent croire à quelque étonnante aurore boréale. Nul doute que ce faisceau gigantesque, traversant l’atmosphère terrestre, n’allât porter jusqu’au satellite le signal que les observateurs de Long’s Peak supposaient impatiemment attendu.

Pendant une heure le torrent de lumière traversa l’espace, et lorsqu’il s’éteignit, Mathieu-Rollère avait déjà l’œil fixé à l’oculaire interrogeant avec anxiété la partie obscure de la surface lunaire.

Il resta, lui aussi, une heure attentif et haletant, mais rien ne lui apparut.

« Recommencons, » fit-il.

Et pendant toute la nuit, d’heure en heure, les 1.500 foyers se rallumèrent et envoyèrent de nouveau à travers les airs leurs inutiles appels. Rien ne répondit.

« Vous seriez-vous trompé ? murmura Mathieu-Rollère en s’adressant à W. Burnett.

— Non, non, mille fois non, répondit l’astronome avec une véhémence qui contrastait avec son flegme habituel ; je suis sûr de mes yeux comme de mon instrument, et d’ailleurs tous mes collaborateurs ont vu comme moi.

— Eh bien ! reprit Mathieu-Rollère, nous recommencerons les nuits suivantes. Nous ne savons ce qui se passe là-haut, mais nous devons supposer que nos amis attendent notre signal avec une impatience égale à la nôtre et qu’ils y répondront aussitôt que cela leur sera possible. »