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un monde inconnu

De pareilles surprises étaient réservées à Jacques, dans le champ des études qui lui étaient attribuées.

Il n’avait pu, au premier abord, ne pas étre frappé des conditions physiologiques de ces êtres semblables à nous sous tant de rapports, mais si différents en un point capital. Les habilants de la Lune n’étaient pas astreints au plus impérieux de nos besoins matériels, celui de se nourrir. Chez eux, par conséquent, point de tube digestif, pas d’œsophage, pas d’estomac, pas d’intestins.

C’est à l’état gazeux que les éléments indispensables à la vie, oxygène, carbone, azote, hydrogène, pénétraient dans leur organisme et, entraînés dans la circulation générale, allaient renouveler les tissus.

L’oxygène, ils l’empruntaient directement à l’air par la respiration ; les poumons, beaucoup plus développés que chez nous, présentaient une surface plus large, capable d’absorber une plus grande quantité de ce gaz vivifiant. Le carbone et l’azote, ils se les assimilaient par une vérilable décomposition chimique de l’acide carbonique et du gaz ammoniac en suspension dans l’atmosphère. À cet effet, le tube digestif et ses annexes étaient remplacés chez eux par un ensemble d’organes spéciaux tapissés de muqueuses d’une extrême finesse qui, sous l’influence du système nerveux, séparaient les éléments de ces gaz, à peu près comme les parties vertes des plantes, sous l’influence de la lumière solaire, décomposent l’acide carbonique et retiennent le carbone.

La grande quantité de gaz ammoniac existant dans l’air provenait de la décomposition des corps des animaux. Dans ce monde, en effet, où nulle vie ne se nourrissait d’une autre vie, entretenue qu’elle était par des éléments gazeux, les corps des êtres animés ne voyaient pas leur existence abrégée par la nécessité de fournir aux autres êtres vivants des aliments solides. Ils allaient tous jusqu’au bout de leur évolution vitale ; la nature opérait son œuvre de dissolution et ceux que la mort avait frappés rendaient rapidement aux vivants les éléments que ceux-ci s’assimilaient à leur tour dans un perpétuel échange.

Comment enfin l’hydrogène se trouvait-il à l’état libre dans l’air ? C’est que l’atmosphère des immenses cavernes était émi-