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un monde inconnu

Comme il y avait dans ces cérémonies un caractère à la fois religieux et patriotique, c’était un honneur que d’y figurer et d’y tenir un rôle.

Aussi les acteurs, si l’on peut donner ce nom à ceux qui étaient investis de cette mission très haut prisée, se recrutaient-ils parmi les plus nobles et les plus intelligents, ceux qui possédaient à un haut degré les plus rares qualités de l’esprit et de l’imagination.

Il ne s’agissait pas là, en effet, de réciter, avec une mémoire plus ou moins heureuse et une mimique plus ou moins adaptée au caractère d’un personnage fictif, l’œuvre d’un poète tracée d’avance et invariable dans son expression. Un thème était donné, quelque grand acte de dévouement, quelqu’une de ces glorieuses entreprises ayant contribué à émanciper l’humanité, à augmenter la somme de son bonheur et de sa prospérité. Les grandes lignes seulement en étaient tracées. Chacun de ceux qui devaient figurer les personnages du drame y choisissait son rôle, le mieux adapté à sa propre nature et à ses sentiments. Il s’identifiait ensuite avec le personnage qu’il devait représenter, se pénétrait profondément de son caractère intime, arrivait à penser, sentir, agir comme lui. Puis, quand il l’avait fait sien, il s’abandonnait sur la scène à sa propre inspiration. Suivant que les péripéties de l’action se déroulaient, il éprouvait tous les sentiments que comportaient ces situations diverses ; il parlait suivant des impressions vraiment ressenties. C’était sa personnalité même qui était en jeu, et les spectateurs avaient sous les yeux non pas une vaine et froide illusion, mais la vie dans toute sa réalité, dans ce qu’elle a de plus noble et de plus généreux.

Les manifestations de l’art musical concouraient aussi, chez les habitants de la Lune, à la grandeur imposante de ces solennités. Mais ici, comme pour l’art scénique, il fallait pour ces hommes que la vérité seule pouvait émouvoir, des œuvres d’une absolue sincérité.

Grâce aux progrés qu’avait faits chez eux la science de l’acoustique, ils pouvaient mettre la nature tout entière à contribution et lui ménager en quelque sorte un rôle dans leurs conceptions artistiques. Ils avaient déjà noté le son mystérieux des sphères