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un monde inconnu

Ils levèrent les yeux. Un tremblement subit agita leurs membres, et, dans un irrésistible élan, ils s’étreignirent avec ardeur : leurs visages étaient baignés de larmes.

Ils ne pouvaient que balbutier, comme sous l’impression d’une indicible angoisse : « La Terre ! la Terre ! »

Dans le ciel d’un noir profond, sous un angle de 1° 54’, s’arrondissait un globe immense, brillant comme quatorze pleines lunes, qui déversait sur les campagnes lunaires les ondes d’une lumière intense, mais douce et tranquille.

C’était le monde qu’ils avaient quitté il y avait déjà six mois.

La Terre, à ce moment pleine, tournait vers la Lune l’hémisphère contenant l’ancien continent.

Les trois amis distinguaient à l’œil nu les contours brillants des terres et les masses plus sombres des océans, reconnaissaient l’Europe aux côtes profondément découpées, la vaste surface de l’Asie avec les presqu’îles qui la terminent, et au sud l’Afrique triangulaire. Mais c’était surtout sur la France que Jacques et Marcel fixaient leurs yeux avides pendant que lord Rodilan répétait d’une voix que le saisissement rendait plus rauque : « England ! England ! »

Rugel les observait en silence et semblait partager leur émotion.

« Venez, amis, leur dit-il ; vous allez voir la Terre de plus près. »

Ils s’arrachèrent comme à regret à leur contemplation et marchèrent derrière Rugel, non sans retourner la tête et sans lever encore les yeux vers le disque énorme qui brillait au-dessus de leurs têtes.

La terrasse sur laquelle ils se trouvaient surmontait une imposante construction qui se dressait au milieu d’une vaste dépression sur les confins de l’Océan des Tempêtes, dans le voisinage du cratère de Hansteen.

C’était une sorte de palais aux proportions colossales, de forme carrée, et composé de plusieurs étages. La partie inférieure, entourée de murs massifs d’une hauteur de quinze mètres environ, était percée de larges baies garnies d’un cristal épais, d’une extrême