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un monde inconnu

traversé la couche supérieure du sol formée d’humus et de sable mêlés, puis une couche épaisse d’une argile rougeâtre constituant le sous-sol, et finalement s’était heurté contre la roche granitique dont le soulèvement forme, à quelques kilomètres de là, les premiers contreforts des Montagnes Rocheuses. Là, la sphère enveloppante, dont j’ai conservé le fragment que voici, s’était brisée et ses débris s’étaient enfoncés de tous côtés dans la terre. Ce qui vint corroborer mes observations et les conséquences que j’en tirais, c’est que le boulet reposait sur une couche de sable blanc, très fin, où l’on ne voyait aucun vestige des terrains traversés. Il était donc certain pour moi que ceux qui avaient fabriqué ce boulet avaient pris toutes les précautions imaginables pour qu’il arrivât sans encombre à son adresse. Ils l’avaient enfermé dans une sphère creuse, remplissant de sable fortement comprimé tout l’espace libre qui entourait le boulet intérieur, de façon à ce que, quelle que fût la violence du choc, le sable pût l’amortir et préserver leur message. T’imagines-tu que quelqu’un, voulant conserver le souvenir du voyage de Barbicane, se serait amusé à prendre un tel luxe de précautions pour garder un document qu’il suffisait de déposer dans n’importe quel musée, et serait allé l’enfouir à 15 mètres de profondeur dans une contrée déserte où jamais personne ne devait s’aviser de l’aller chercher ? Car vous avez reconnu vous-mêmes qu’aucun canon terrestre n’avait pu lancer ce boulet colossal.

— Oui, murmura Jacques visiblement ébranlé, il y a là quelque chose que je ne m’explique pas.

— Ah ! tu y viens, reprit Marcel. Regarde maintenant cela : tu es chimiste ; dis-moi quel est ce métal. »

Et il rapprochait de ses yeux la plaque sur laquelle étaient gravés les signes dont il venait de fournir l’explication.

« Ma foi, je n’en sais rien ; il faudrait l’essayer.

— Je l’ai essayé ; j’ai détaché là, à cet angle, un minuscule fragment. Je l’ai amené à l’incandescence et analysé au spectroscope. Eh bien ! j’affirme que ce métal n’a pas son pareil sur notre planète.

— Tu m’en diras tant… »