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un monde inconnu

Les prévisions de Jacques semblaient du reste s’être déjà réalisées. Depuis qu’ils avaient retrouvé l’usage de leurs sens, les trois amis se trouvaient dans un état singulier : ils se sentaient animés d’une vigueur inaccoutumée ; leur corps semblait avoir perdu de son poids ; tous leurs mouvements s’exécutaient avec une aisance et une facilité à laquelle ils n’étaient pas habitués. Ils s’étonnaient de mouvoir sans efforts et comme en se jouant des objets qui partout ailleurs leur auraient semblé lourds ; leurs pieds ne pesaient plus sur le sol et même lord Rodilan, ayant voulu se hausser pour atteindre un objet arrimé sur une tablette supérieure, se trouva emporté par son mouvement jusqu’au haut du projectile, dont sa tête heurta le capitonnage supérieur.

« Où allez-vous ainsi, mon cher lord ? s’écria Jacques en riant ; prenez-vous votre vol pour nous quitter ? »

— Pardieu ! fit l’Anglais en retombant doucement sur le sol, voilà qui est bizarre. Du diable si j’y comprends rien.

— Cela est pourtant bien simple, interrompit Marcel, et suffirait à prouver, s’il pouvait nous rester encore un doute, que nous sommes bien arrivés sur la Lune ou dans la Lune.

— Bah ! fit lord Rodilan intrigué.

— Mais oui, mon cher ami. Vous savez bien que sur la Lune la pesanteur est six fois moindre que sur la Terre. Ainsi votre honorable personne qui, aux balances du Yachting-club accusait 148 pounds, n’en pèse que 24 environ. C’est pour cela que tous les objets que vous touchez vous paraissent si légers et que le simple effort que vous avez fait tout à l’heure a suffi pour vous élever si haut.

— Tout cela est fort bien, dit alors lord Rodilan, mais si je dois continuer à vivre, je voudrais bien ne pas rester trop longtemps dans ces ténèbres ; ce n’est pas la peine d’être vivant pour être ainsi enterré.

— Oh ! dit Marcel, nous n’en sommes pas là. Je n’ai pas pu évaluer encore la distance qui nous sépare de la surface lunaire, mais elle doit être considérable. Il nous faut tout d’abord sortir d’ici et reconnaître l’endroit où nous nous trouvons. »

L’air extérieur avait achevé de remplir l’obus : on pouvait main-