Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/115

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la vie, et toi qui me la dois. »

Plus tard, il lui conféra spontanément le consulat, en lui reprochant de n’avoir pas osé le demander. Auguste n’eut pas d’ami plus vrai et plus fidèle. Il fut son seul héritier. Personne, depuis cet évènement, ne forma de complot contre lui.

[1, 10] X. Votre aïeul pardonna aux vaincus : sur qui aurait-il régné s’il ne leur eût pardonné ? Ce fut dans le camp ennemi qu’il recruta Salluste, puis les Cocceius, les Dellius, et tous ceux qui obtinrent chez lui les premières entrées. Déjà, par sa clémence, il avait acquis les Domitius, les Messalla, les Asinius, les Cicerons, enfin l’élite de Rome. Combien de temps n’attendit-il pas la mort de Lepide ? Il lui laissa porter pendant un grand nombre d’années les insignes de la souveraineté, et ce ne fut qu’après sa mort qu’il consentit à ce que la dignité du pontificat lui fût transférée ; il aima mieux qu’elle fût appelée un honneur qu’une dépouille. Il dut à cette clémence son salut et sa sécurité ; elle le rendit aimable et cher à son peuple, quoique la république ne fût pas encore façonnée au joug lorsque ses mains avaient saisi les rênes du gouvernement. Voilà ce qui aujourd’hui lui vaut une renommée dont les princes jouissent rarement de leur vivant. Si nous croyons qu’il est dieu, ce n’est pas par obéissance. Nous reconnaissons qu’Auguste fut un bon prince, et qu’il mérita le nom de Père de la patrie, parce que les paroles offensantes, qui souvent blessent les princes plus que les actions coupables, n’excitèrent jamais sa rigueur ; parce que les mots piquants dont il fut l’objet ne firent qu’exciter son sourire ; parce que, loin de faire exécuter les sentences de mort prononcées contre les complices des désordres de sa fille, il les relégua