Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/117

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dans des lieux où il y avait sûreté pour leurs personnes, et leur remit des ordres écrits pour s’y faire conduire. Ah ! c’est là véritablement pardonner. Un prince qui sait que tant d’hommes sont prêts à s’irriter pour lui, à rechercher sa faveur en versant le sang, et qui ne se borne pas à donner la vie, mais veut encore la garantir !

[1, 11] XI. Tel fut Auguste dans sa vieillesse, ou du moins dans le déclin de son âge. Dans sa jeunesse, il fut ardent, emporté, coupable de plusieurs actions sur lesquelles il ne reportait ses regards qu’avec un sentiment pénible. Personne n’osera comparer la clémence d’Auguste à la vôtre, lors même que ce seraient ses derniers temps qu’on mettrait en parallèle avec vos jeunes années. Qu’il ait été modéré et clément, je l’accorde ; mais ce fut après avoir souillé de sang romain les flots d’Actium, après avoir brisé sur les rivages de la Sicile ses flottes et celles de ses ennemis, après les autels de Pérouse et les proscriptions.

Je n’appelle pas clémence la cruauté fatiguée : la vraie clémence, César, c’est celle qu’on voit en vous, celle qui n’a pas sa source dans le repentir d’une conduite barbare, celle qui consiste à être sans tache, à n’avoir jamais versé le sang des citoyens. La modération véritable au milieu d’une grande puissance, cette ; source de l’amour que vous porte le genre humain, que vous a voué la patrie, consiste à ne se laisser ni enflammer par les passions, ni entraîner par la témérité ; à ne pas suivre le pernicieux exemple de vos prédécesseurs, en essayant jusqu’à quel point on peut accabler ses sujets ; mais au contraire à émousser le glaive du pouvoir.

Rome vous doit de n’être plus ensanglantée ; et cette gloire dont votre âme généreuse aime à parler, cette