Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/125

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de ses enfans, lorsqu’il envisage tout ce qu’il a fait et tout ce qu’il est contraint de faire, qu’il trouve sa conscience chargée de crimes et déchirée de remords, souvent il redoute la mort, plus souvent il la désire ; odieux à lui-même plus encore qu’à ceux auxquels il commande !

Mais celui qui veille, avec plus ou moins de sollicitude, sur tous les intérêts ; qui, considérant le corps social comme son propre corps, en alimente toutes les parties ; qui, naturellement enclin à l’humanité, ne dissimule pas, lorsqu’il faut sévir, la répugnance qu’il éprouve à employer ce triste remède ; qui n’a dans l’âme aucun sentiment hostile, ni farouche ; qui exerce une puissance paisible et salutaire ; qui veut que ses sujets aiment son empire, trop heureux lorsqu’il peut leur faire partager son bonheur ; cet homme aux paroles affables, à l’abord facile, dont le regard, pour gagner les cœurs, vaut un bienfait ; ce prince aimable qui accueille avec faveur les demandes justes et repousse sans aigreur celles qui ne le sont pas, est chéri, défendu et révéré par tous ses sujets. On parle de lui dans l’intimité comme on en parle publiquement ; sous son règne on souhaite d’être père et on voit cesser la stérilité, ce fléau publie. On croit bien mériter de ses enfants en leur donnant la vie dans un siècle aussi heureux. Un tel monarque trouve sa sûreté dans ses bienfaits ; il n’a pas besoin de garde : les armes ne sont pour lui qu’un ornement.

[1, 14] XIV. Quel est donc le devoir d’un roi ? Celui d’un bon père qui réprimande ses enfants, tantôt avec douceur, tantôt avec des paroles menaçantes, et qui les corrige quelquefois aussi en les frappant. Quel est l’homme, jouissant de sa raison, qui déshérite son fils dès la première