Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/129

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ne l’arracha qu’avec peine aux mains des pères et des fils, également irrités contre lui.

[1, 15] XV. On admira généralement Titus Arius, qui, ayant surpris son fils au moment où celui-ci allait attenter à ses jours, se contenta, après avoir instruit son procès, de le condamner à l’exil et même à un exil peu rigoureux, car il le relégua à Marseille, et lui fit une pension égale à celle qu’il lui payait avant son crime. Le résultat de cette généreuse conduite fut que, dans une ville, où quelques voix s’élèvent toujours en faveur des plus grands coupables, personne ne douta de la justice d’une sentence prononcée par un père qui avait pu condamner, mais non haïr son fils. Ce trait va nous offrir aussi la comparaison d’un bon prince avec un bon père.

Titus Arius, prêt à juger son fils, pria Auguste de faire partie du tribunal domestique qu’il devait réunir ; Auguste se rendit chez un simple citoyen, et prit place dans un conseil qui lui était étranger. Il ne dit pas « Venez dans mon palais ; » car alors le jugement n’eût pas appartenu au père, mais à l’empereur. Après avoir entendu la cause, après la discussion des moyens contradictoires de l’accusé et de ceux de l’accusation, Auguste demanda que chacun écrivit son opinion, de crainte que l’avis de César ne passât tout d’une voix. Avant la lecture des suffrages, il jura qu’il n’accepterait jamais la succession d’Arius, dont la fortune était considérable. On dira peut-être qu’il y avait de la pusillanimité dans cette crainte de paraître aspirer à l’héritage du père par la condamnation du fils ; je ne partage pas cet avis. Sans doute, s’il se fût agi de l’un de nous, le témoignage de sa conscience aurait suffi pour le rassurer contre les interprétations malveillantes ; mais les princes doivent faire