Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/131

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beaucoup pour l’opinion publique. Auguste jura de ne point accepter la succession. Ainsi Arius perdit ce même jour deux héritiers ; mais l’empereur acheta la liberté de son suffrage ; et après avoir prouvé que sa sévérité était désintéressée, ce qu’un prince doit toujours avoir à cœur, il opina en ces termes : « Que le fils soit exilé dans le lieu qui sera désigné par le père. » Il ne vota ni pour le supplice du sac et des serpents, ni pour la prison ; songeant non à celui qu’il jugeait, mais à celui dans le conseil duquel il siégeait, il dit : « Que le père devait se contenter de ce châtiment léger, envers un fils qui avait été excité au crime, et qui, dans cette tentative, avait montré une timidité voisine de l’innocence ; qu’il suffisait de l’éloigner de Rome et des yeux de son père. »

[1, 16] XVI. O prince vraiment digne d’être appelé au conseil des pères, et digne d’être institué par eux héritier conjointement avec des fils innocents ! Telle est la clémence qui convient au prince, celle qui consiste à tout adoucir dans les lieux où il porte ses pas. Qu’aucun homme n’ait à ses yeux assez peu de valeur pour que sa perte lui soit indifférente : cet homme, quel qu’il soit, fait partie de son empire. Comparons à l’autorité souveraine celle qui s’exerce dans les degrés inférieurs : le prince commande à ses sujets, le père à ses enfants, le maître à ses élèves, le tribun ou le centurion à ses soldats. Ne regarderait-on pas comme le plus mauvais des pères celui qui sans cesse accablerait de coups ses enfants pour les causes les plus légères ? Quel est le maître le plus digne de présider à des études libérales, de celui qui maltraite avec cruauté ses disciples, soit lorsque leur mémoire est en défaut, soit lorsqu’ils n’ont pas le coup d’œil assez rapide pour lire sans hésitation, ou de