Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/133

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celui qui aime mieux les corriger par de simples réprimandes, et les conduire par des sentimens d’honneur ? Qu’un tribun ou un centurion soit cruel, il fera des déserteurs dont le crime sera digne d’excuse : est-il juste de commander aux hommes avec plus de dureté qu’aux brutes ? et même un écuyer habile se garde d’effaroucher, par des coups redoublés, le cheval qu’il veut dompter ; il le rendrait ombrageux et rétif, s’il ne l’apaisait en lui faisant sentir une main caressante. Il en est de même du chasseur qui dresse des jeunes chiens, ou qui, après les avoir dressés, s’en sert pour lancer ou pour suivre le gibier ; il ne les menace pas trop souvent, car il les découragerait, et il ferait dégénérer, par la crainte, leur instinct naturel ; mais il ne leur laisse pas non plus la liberté de s’écarter et de courir au hasard. Ajoutez à ces exemples celui des bêtes de somme, même les plus paresseuses : quoiqu’elles semblent nées pour les misères et les affronts, l’excès de la barbarie les oblige à secouer le joug.

[1, 17] XVII. De tous les animaux, le moins traitable, celui qui a besoin d’être conduit avec le plus d’art, celui envers lequel l’indulgence est le plus nécessaire, c’est l’homme. Qu’y a-t-il de plus insensé que de rougir de se mettre en colère contre des bêtes de somme ou des chiens, tandis que l’homme, sous la domination de l’homme, serait réduit à la plus dure de toutes les conditions ? On traite les maladies, on ne s’irrite pas contre elles ; or, les vices sont les maladies de l’âme ; ils exigent un traitement doux et un médecin sans emportement ; il n’y a que les mauvais médecins qui désespèrent de la guérison. Telle doit être envers les âmes malades la conduite de celui à qui le salut de tous est