Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/141

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des collines escarpées, de couper à pic les flancs des montagnes, de s’environner de murailles et de tours. La clémence suffit sans remparts pour garantir la vie des rois ; il n’y a qu’un boulevard inexpugnable, c’est l’amour des citoyens. Qu’y a-t-il de plus beau pour un prince que de vivre entouré des vœux de tout un peuple, qui ne les forme pas sous l’inspiration des satellites ; que de voir la moindre altération de sa santé exciter non l’espoir, mais les alarmes ; que d’être certain qu’aucun de ses sujets n’hésiterait à sacrifier ce qu’il a de plus précieux à la conservation du chef de l’état, et que tous considèrent tout ce qui lui arrive comme leur étant personnel ? Un tel monarque prouve sans cesse, par sa bonté, que la république n’est pas à lui, mais qu’il est à la république. Qui oserait : attenter à sa personne ? qui ne voudrait, s’il en avait le pouvoir, détourner les coups du sort de celui sous lequel fleurissent la paix, les bonnes mœurs, la sécurité et l’honneur ? sous lequel l’état, comblé de richesses, possède tous les genres de prospérités ? Les citoyens contemplent leur souverain avec les mêmes sentiments que les dieux exciteraient dans nos âmes s’ils se rendaient visibles à nos regards pour recevoir nos hommages et nos adorations. N’est-ce pas en effet tenir le premier rang après les dieux que d’agir conformément à leur nature ; d’être comme eux bienfaisant, généreux, puissant pour le bonheur du monde ? Voilà à quoi il faut aspirer, voilà l’exemple qu’on doit suivre : n’être le plus grand que pour être aussi le plus vertueux !

[1, 20] XX. Un prince punit pour l’un de ces deux motifs, pour se venger ou pour venger les autres. Je traiterai d’abord de la répression des offenses qui lui sont personnelles.