Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/175

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LIVRE SECOND1.

I. Ce qui m’a principalement engagé, Néron, à écrire sur la clémence, c’est une de vos paroles, que je n’ai pu ni entendre, ni raconter à d’autres sans admiration, parole pleine de générosité, de grandeur et d’humanité, qui s’échappa soudain de votre bouche ; qui n’était ni étudiée, ni destinée à devenir publique, et qui révéla le combat qui avait existé dans votre âme entre votre bonté et les devoirs de votre haute fortune. Burrhus, préfet de votre prétoire, homme vertueux et honoré de votre amitié, obligé de sévir contre deux voleurs, vous demandait d’écrire les noms des coupables et le motif de leur punition : il remettait sous vos yeux cette affaire que vous aviez souvent ajournée, et insistait pour vous décider à la terminer. Cette sentence fatale qu’il vous présentait à regret, vous la prîtes à regret, en vous écriant : Que je voudrais ne pas savoir écrire2 ! parole également digne d’être entendue des peuples qui habitent l’empire romain, des nations limitrophes qui ne jouissent plus que d’une indépendance précaire3 et de celles dont les forces et le courage se déploient contre nous ! parole qu’il faudrait adresser à l’assemblée générale du genre humain pour qu’elle devînt la formule du serinent des rois ! parole vraiment digne de faire renaître chez tous les hommes l’innocence des premiers âges du monde ! Oui, c’est