Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/179

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pourquoi des esprits atroces et exécrés ont trouvé des termes puissants et énergiques pour exprimer leurs sentiments, comme si le sujet y avait prêté, tandis que jusqu’ici je ne connaissais aucune parole pleine d’âme, qui fût sortie de la bouche d’un prince vertueux et humain. Au reste, ces mots qui vous ont rendu l’écriture odieuse, et que vous ne tracez que rarement, à regret et après une longue hésitation, vous êtes quelquefois dans la nécessité de les écrire ; mais écrivez-les toujours, comme vous l’avez fait, avec anxiété et après des délais multipliés.

III. De peur que le mot séduisant de clémence ne vous abuse et ne vous entraîne dans un excès contraire, examinons en quoi consiste la clémence et quelles sont ses limites. La clémence est la modération dans un homme qui a le pouvoir de se venger, ou bien c’est l’humanité d’un supérieur dans la punition de son inférieur. Il est plus sûr de donner plusieurs définitions de peur qu’une seule n’embrasse pas le sujet tout entier, et (si l’on peut s’exprimer de la sorte) que la cause ne pèche par le vice de la formule6 ; ainsi l’on peut dire encore que la clémence est une disposition de l’âme à la douceur dans l’application des peines. Il est une dernière définition, qui trouvera des contradictions, quoique peut-être ce soit celle qui approche le plus de la vérité. Cette définition, la voici : La clémence est la modération qui nous porte à remettre une partie du châtiment encouru et mérité. On va se récrier ; on dira qu’il n’y a aucune vertu qui puisse consister à faire moins que ce qui est dû. Cependant tout le monde comprend que la clémence reste en deçà de la peine qui aurait pu être justement infligée. Les ignorants croient que la sévérité