Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/187

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cette aumône humiliante, avec laquelle ceux qui affectent un air de compassion dégradent et repoussent, tout en les soulageant, les malheureux dont ils semblent craindre l’approche, mais ce que l’homme doit donner à son semblable sur le patrimoine commun de l’humanité. Il rendra le fils aux larmes de sa mère ; il fera tomber ses fers ; il le retirera de l’arêne ; il donnera la sépulture aux coupables ; et il fera toutes ces choses avec un esprit calme et sans changer de visage. Ainsi le sage ne sera pas compatissant, mais il sera secourable ; il rendra service, parce qu’il est né pour aider ses semblables, pour contribuer au bien public, et pour en procurer une part à chacun ; il signalera sa bonté même envers les méchants, en les réprimandant et en travailiant à les corriger ; mais il trouvera plus de satisfaction à venir au secours de ceux qui éprouvent des afflictions et des traverses ; il s’interposera entre eux et leur mauvaise fortune. Quel meilleur usage, en effet, peut-il faire de ses richesses ou de son pouvoir, que de réparer les injures du sort ? Sans doute sa figure ne s’altérera pas, son âme ne sera pas ébranlée à l’aspect des haillons du mendiant, de sa vieillesse décharnée qui se traîne appuyée sur un bâton. Mais il obligera tous ceux qui en sont dignes, et, comme les dieux, il jettera sur les infortunés un regard favorable. La pitié est voisine de la misère ; elle participe en quelque sorte de sa nature. Ce sont des yeux bien faibles que ceux qui se remplissent de larmes quand ils aperçoivent d’autres yeux malades ; rire chaque fois qu’on voit rire les autres, ce n’est pas gaité, c’est maladie ; il faut en dire autant de ceux qui bâillent lorsqu’on bâille devant eux. La pitié est le défaut des âmes trop sensibles à la misère. Vouloir l’obtenir du sage, c’est presque lui deman-