Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/194

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III. 6. Par le vice de la formule. J’ai conservé le mot formule, parce qu’il est caractéristique. A Rome, chaque nature d’action en justice avait une formule qui lui était propre. Si le demandeur s’écartait le moins du monde de cette formule, il encourait la déchéance de son action, ce qui s’appelait causa cadere…… ou formula excidere…… C’est à quoi Quintilien fait allusion, lorsqu’il dit : « Nam est etiam periculosum, quum si uno verbo sit erratum, tota causa cecidisse videamur. »

Souvent le préteur relevait le demandeur de la déchéance qu’il avait encourue, par une erreur de cette espèce. Sénèque parle de cet usage dans sa 48e épitre, en ces termes : « Quid enim aliud agitis, quum eum quem interrogatis, scientes in fraudem inducitis, quam ut formula cecidisse videatur ? Sed quemadmodum ilium prætor, sic hos in integrum philosophia restituit. »

On voit que le mot formule ne peut admettre d’équivalent. Il doit être traduit littéralement, comme toutes les expressions qui se rattachent aux usages, aux mœurs ou aux lois ; c’est ainsi que la traduction peut présenter, du moins jusqu’à un certain degré, la physionomie du texte.

V. 7. Mais éviter la compassion. Dans cet ouvrage, observe Diderot, les conséquences des principes de l’auteur le mènent à des assertions difficiles à digérer. Il prononce décidément que la compassion est un défaut réel ; que la cruauté et la compassion sont deux extrêmes, l’une de la sévérité, l’autre de la clémence : ce qui m’inclinait d’abord à croire qu’en passant du latin dans notre langue, le mot compatir avait changé d’acception ; ou que l’influence des mœurs générales sur les notions du vice et de la vertu faisait traiter de faiblesse à Rome ce que nous regardons comme un sentiment d’humanité ; mais il est évident, par ce qui suit, que l’opinion de Sénèque est la pure doctrine de Zénon, qui regardait la grandeur d’âme comme incompatible avec la crainte et le chagrin, et la leçon d’une école dont le sage était sans pitié, parce que la pitié était un état pénible de l’âme. Zénon disait, et Sénèque après Zénon : « Mais sans compassion ni pitié, notre philosophe fera tout ce que l’homme sensible et compatissant…… » J’en doute ; en secourant celui qui souffre, l’homme sensible et compatissant se soulage lui-même.