Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/215

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Celui qui voyait tout soumis à son unique volonté, qui tenait en ses mains les destinées des hommes et des nations, envisageait avec joie le jour où il pourrait se dépouiller de toute sa grandeur. L’expérience lui avait prouvé combien ces biens dont l’éclat remplissait toute la terre, coûtaient de sueurs, et combien ils cachaient d’inquiétudes secrètes. Forcé de combattre à main armée d’abord ses concitoyens, ensuite ses collègues, enfin ses parens16, il versa des flots de sang sur terre et sur mer ; entraîné par la guerre en Macédoine, en Sicile, en Égypte, en Syrie et en Asie, et presque sur tous les rivages, il dirigea contre les étrangers du dehors ses armées lassées de massacrer des Romains. Tandis qu’il pacifie les Alpes, et dompte des ennemis incorporés à l’empire dont ils troublaient la paix17, tandis qu’il en recule les limites au delà du Rhin, de l’Euphrate et du Danube, dans Rome même, les poignards des Muréna, des Cépion, des Lépide, des Egnatius s’aiguisaient contre lui18. A peine est-il échappé à leurs embûches que sa fille et tant de jeunes patriciens, liés par l’adultère comme par un serment solennel, épouvantent sa vieillesse fatiguée, et lui font craindre pis qu’une nouvelle Cléopâtre avec un autre Antoine19. Quand il eut amputé ces plaies avec les membres mêmes, d’autres renaissaient à l’instant. Ainsi dans un corps trop chargé de sang, toujours quelqu’épanchement s’opère. Auguste désirait donc le repos : dans cet espoir, dans cette pensée, il trouvait l’allégement de ses travaux. Tel était le vœu de celui qui pouvait combler les vœux de tout l’univers.

M. Cicéron qui fut ballotté entre les Catilina et les Clodius, les Pompée et les Crassus, les uns ses ennemis déclarés, les autres ses amis douteux ; qui, battu de l’orage