Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/267

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sent être comparés à ces études saintes et sublimes qui vous élèveront à la connaissance de la nature des dieux, de leurs plaisirs, de leur condition, de leur forme ? quelle destinée est réservée à notre âme ? dans quel lieu doit nous placer la nature quand nous serons dégagés des liens corporels ? quelle puissance soutient, au milieu de l’espace, les corps les plus pesans ; au dessus, les plus légers ; porte la matière ignée dans les régions les plus hautes ; imprime aux astres leur révolution ; produit enfin mille autres phénomènes encore plus merveilleux88 ? Voulez-vous, abandonnant la terre, élever votre esprit à ces hautes connaissances ? Maintenant que votre sang circule avec chaleur, et que vous êtes dans la force de l’âge, dirigez-vous vers ces objets dignes de votre préférence. Vous aurez en partage, dans ce genre de vie, l’enthousiasme des sciences utiles, l’amour et la pratique de la vertu, l’oubli des passions, l’art de vivre et de mourir, un calme inaltérable.

La condition de tous les gens occupés est malheureuse : plus malheureuse est celle des hommes qui chargent leur vie de soins qui ne sont pas pour eux89, attendant pour dormir qu’un autre dorme, pour faire un pas qu’un autre marche, pour manger qu’un autre ait appétit 9°. L’amitié, la haine, les plus libres de toutes les affections, sont chez eux à commandement. Ceux-là, s’ils veulent savoir combien leur vie est courte, n’ont qu’à supputer la part qui en revient à leur usage. Quoique vous les ayez vus souvent revêtus de la prétexte, quoique leur nom soit connu dans le forum, n’en soyez pas jaloux : ces avantages, ils les achètent aux dépens de leurs jours, et pour le plaisir d’attacher leur nom à une année, ils perdront toutes celles de leur vie. Quelques-uns prennent