Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/299

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DE LA VIE HEUREUSE

I. Dans la vie, mon frère Gallion1, c’est le bonheur, que veulent tous les hommes ; mais s’agit-il de voir nettement en quoi consiste ce qui peut réaliser la vie heureuse, ils ont un nuage devant les yeux. Non certes, il n’est pas facile de parvenir à la vie heureuse ; car chacun s’en éloigne d’autant plus, qu’il court plus rapidement après elle, s’il a manqué le chemin : quand le chemin conduit en sens contraire, la vitesse même augmente la distance. Il faut donc, avant tout, déterminer quel est pour nous l’objet à rechercher ; ensuite, regarder de tous côtés par où nous pourrons y tendre avec le plus de célérité. Ce sera sur la route même, pourvu qu’elle soit droite, que nous saurons de combien chaque jour on avance, et de combien nous aurons approché de ce but, vers lequel nous pousse un désir propre à notre nature. Tant que nous errons çà et là, en suivant non pas un guide, mais un bruit confus et des cris discordants qui nous appellent vers différents points, la vie s’use en égarements, cette vie qui est courte, et qui le serait lors même que jour et nuit nous travaillerions pour le bien-être de l’esprit. D’après cela, qu’il soit décidé où nous allons et par où nous passerons, non sans l’assistance de quelque