Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/309

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se développant, il présente un front aligné : ce corps, quelle qu’en soit la disposition, a la même force, la même volonté de tenir pour la même cause. C’est ainsi que la description du souverain bien peut, ici être distribuée sur des points épars et s’étendre, là être resserrée et réduite dans ses bornes. Je puis également dire : « Le souverain bien est une âme qui méprise le hasard et dont la vertu fait la joie ; ou si l’on veut, c’est une invincible force d’âme, appuyée sur la connaissance des choses, calme dans l’action, accompagnée de bienveillance pour les hommes en général et de soins pour ceux avec qui l’on vit. Il me plaît encore de le décrire, en disant que l’homme heureux est celui pour lequel il n’existe d’autre bien, ni d’autre mal, qu’une âme, ou bonne, ou mauvaise, celui qui pratique l’honnête, qui se renferme dans la vertu, que le hasard ne saurait ni élever ni abattre, qui ne connaît pas de plus grand bien que le bien qu’il peut se donner lui-même, l’homme pour lequel le vrai plaisir sera le mépris des plaisirs. Permis à vous, si vous aimez les digressions, de présenter le même objet sous des aspects différents, pourvu que le fond n’y perde rien. Qui nous empêche, en effet, de dire que la vie heureuse, c’est une âme libre, élevée, intrépide et inébranlable, placée hors de la portée, soit de la crainte, soit du désir, une âme pour laquelle l’unique bien est une conduite honnête, l’unique mal une conduite honteuse ? Tout le reste n’est qu’un vil ramas de choses, qui n’ôte rien à la vie heureuse, qui n’y ajoute rien, qui ; sans accroître ni diminuer le souverain bien, peut venir et s’en aller. L’homme établi sur une telle base, il faut que, bon gré malgré, il ait pour compagnes une gaîté constante, une joie élevée qui vienne d’en haut,