Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/315

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pas sain d’esprit, quand, au lieu des choses les meilleures, on recherche celles qui doivent nuire. L’homme heureux est donc celui qui a le jugement droit, celui qui se contente du présent, quel qu’il soit, et qui aime ce qu’il a. L’homme heureux est celui auquel la raison fait agréer toute situation de ses affaires. Ils voient, ceux-là même qui ont dit que le plaisir était le souverain bien, quelle honteuse place ils ont assignée à ce dernier. C’est pourquoi ils nient que le plaisir puisse être détaché de la vertu, et ils affirment qu’il n’est point de vie honnête sans qu’elle soit agréable, point de vie agréable sans qu’elle soit en moine temps honnête. Je ne vois pas comment ces deux êtres disparates peuvent être réunis de force à une même attache. Quel motif, je vous le demande, pour que le plaisir ne puisse être séparé de la vertu ? Assurément, c’est que tout principe de bien résulte de la vertu ; c’est des racines de celle-ci, que sortent les choses mêmes que vous aimez, et que vous recherchez avec ardeur. Mais si le plaisir et la vertu étaient inséparables, nous ne verrions pas certaines choses être agréables, mais non honnêtes, et d’autres choses être fort honnêtes, mais pénibles et telles que c’est par les douleurs qu’il faut en venir à bout.

VII. Joignez à cela, que le plaisir s’unit même à la vie la plus honteuse ; au lieu que la vertu n’admet pas une mauvaise vie. De plus, certains hommes sont malheureux, non pas en l’absence du plaisir, mais à cause du plaisir même : et cela n’arriverait pas, si à la vertu s’était incorporé le plaisir, dont souvent elle manque, dont jamais elle n’a besoin. Pourquoi réunissez-vous des objets différents, et même opposés ? La vertu est quelque chose d’élevé, de sublime, de souverain, d’invincible, d’infatigable ; le plai-