Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/317

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sir quelque chose de rampant, de servile, d’énervé, de chancelant, dont le poste et la demeure sont les lieux de prostitution et les tavernes. La vertu, vous la trouverez dans le temple, dans le forum, dans le sénat, debout sur les remparts, couverte de poussière ; elle a le teint hâlé, les mains calleuses ; le plaisir, vous le verrez fuir de cachette en cachette, et chercher les ténèbres, aux environs des bains, des étuves, et des lieux qui redoutent. la présence de l’édile12 ; le plaisir est mou, lâche, humecté de vin et de parfums, pâle ou fardé, et souillé des drogues de la toilette. Le souverain bien est immortel ; il ne sait pas cesser d’être ; il n’éprouve ni la satiété, ni le repentir ; car jamais un esprit droit ne se détourne : un tel esprit ne se prend pas en haine, et il n’a rien changé, parce qu’il a toujours suivi ce qu’il y a de meilleur. Au contraire le plaisir, alors qu’il charme le plus, s’éteint ; il ne dispose pas d’un grand espace : aussi le remplit-il bientôt ; il cause l’ennui, et après le premier essor, il est languissant. D’ailleurs ce n’est jamais une chose certaine, que celle dont la nature consiste dans le mouvement. D’après cela, il ne peut seulement pas y avoir de réalité pour ce qui vient et passe au plus vite, devant périr dans l’usage même de son être ; car ce je ne sais quoi ne parvient en un point, que pour y cesser ; et tandis qu’il commence, il tire à sa fin.

VIII. Vient-on m’objecter que chez les bons, comme chez les méchants, le plaisir existe ? De leur côté, les gens infâmes ne se délectent pas moins dans leur turpitude, que les hommes honnêtes dans les belles actions. Voilà pourquoi les anciens ont prescrit de mener une vie très-vertueuse, et non pas très-agréable ; ils entendent que, droite et bonne, la volonté ait le plaisir, non