Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/345

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Pourquoi ton épouse porte-t-elle à ses oreilles le revenu d’une opulente famille ? Pourquoi tes jeunes esclaves ont-ils des tuniques retroussées, d’une étoffe précieuse ? Pourquoi est-ce un art, chez toi, que de servir à table ? Car ton argenterie n’est pas mise en place étourdiment et au gré du caprice, mais elle est habilement soignée. Pourquoi y a-t-il un maître en l’art de découper les viandes ? » Ajoute, si tu veux : pourquoi tes domaines d’outre-mer ? Pourquoi as-tu plus de possessions, que tu n’en connais ? C’est une honte, que tu sois, ou négligent au point de ne pas connaître des esclaves en petit nombre, ou fastueux au point d’en avoir trop pour que la mémoire suffise à en conserver la connaissance. Je t’aiderai tout à l’heure. Des reproches injurieux, je m’en ferai plus que ne t’en suggère ta pensée. Quant à présent, voici ce que je te répondrai : Je ne suis point sage ; et même, pour donner pâture à ta malveillance, je ne le serai point. Ainsi, j’exige de moi, non pas d’être égal aux plus vertueux, mais d’être meilleur que les méchants25 ; il me suffit de pouvoir chaque jour retrancher quelque chose de mes vices, et gourmander mes erreurs. Je ne suis point parvenu à la santé, je n’y parviendrai même pas ; ce sont des calmants, plutôt que des moyens de guérison, que j’applique sur ma goutte, satisfait si elle revient plus rarement, si elle ronge moins fort. En comparaison de votre allure, impotents que vous êtes, je suis un coureur.

XVIII. Et cela, ce n’est pas pour moi, que je le dis ; car, moi, je suis dans l’abîme de tous les vices ; mais c’est pour celui au profit duquel il y a quelque chose de fait. « Tu parles, dit-on, d’une manière, et tu vis d’une autre. » Ce reproche, esprits pleins de malignité,