Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/353

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je suis né pour les autres, et c’est à la nature des choses, que j’en rendrai grâces. Comment, en effet, pouvait-elle mieux arranger mes affaires ? Elle a donné, moi seul à tous, et tous à moi seul. Ce, que j’aurai, quoi que ce soit, je ne veux ni le garder en avare, ni le répandre en prodigue. Rien ne me semblera mieux en ma possession, que ce que j’aurai bien donné. Ce ne sera ni par le nombre, ni par le poids, que je mesurerai les bienfaits ; ce sera toujours en évaluant celui qui les recevra. Jamais, pour moi, un don ne sera beaucoup, étant reçu par qui l’aura mérité. Rien pour l’opinion, tout pour la conscience, dans mes actions. Je croirai avoir le public pour témoin de tout ce que je ferai, moi le sachant. Dans l’action de manger et de boire, mon but sera d’apaiser les exigences de la nature, non de remplir le ventre et de le vider. Moi, gracieux pour mes amis, doux et facile pour mes ennemis, je serai fléchi avant d’être prié ; je courrai au devant des demandes honnêtes. Je saurai que ma patrie, c’est le monde ; que mes protecteurs, ce sont les dieux, qu’ils se tiennent au dessus et autour de moi, censeurs de mes actions et de mes discours. En quelque moment que la nature vienne à redemander le souffle qui m’anime, ou que la raison vienne à le répudier, je m’en irai après avoir prouvé par témoins que j’aimai la bonne conscience et les études vertueuses, que je ne contribuai à diminuer la liberté de personne, et que nul ne diminua la mienne. »

XXI. Celui qui annoncera l’intention d’agir ainsi, qui le voudra, qui le tentera, c’est vers les dieux, qu’il dirigera sa marche. Certes, lors même qu’il ne l’aura pas soutenue, il ne tombera pourtant qu’après avoir osé