Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/359

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ajoutent cependant à cette joie continuelle qui naît de la vertu. L’impression que les richesses produisent sur le sage, en l’égayant, est la même que fait sur le navigateur un bon vent qui le pousse, la même que fait un beau jour, et que fait en hiver, pendant les froids, un lieu exposé au soleil. Or, quel sage, des nôtres je veux dire, pour lesquels l’unique bien c’est la vertu, quel sage nie que ces choses même, qui chez nous sont nommées indifférentes, aient en elles quelque prix, et que les unes soient préférables aux autres ? A certaines d’entre elles, on accorde un peu d’estime ; à certaines autres, on en accorde beaucoup. Ne vous y trompez donc pas, au nombre des choses préférables se trouvent les richesses. « Mais, dites-vous, pourquoi donc me tournez-vous en ridicule, puisque les richesses occupent chez vous la même place que chez moi ? » Voulez-vous savoir combien il s’en faut qu’elles n’occupent la même place ? A moi, les richesses, si elles s’écoulent, ne m’ôteront rien qu’elles-mêmes. Vous, frappé de stupeur, vous semblerez vous survivre et vous manquer tout à la fois, si elles se retirent d’auprès de vous. Chez moi, les richesses ont une place ; chez vous, elles ont. la première ; enfin, les richesses m’appartiennent, et vous appartenez aux richesses.

XXIII. Cessez donc d’interdire l’argent aux philosophes ; jamais la sagesse ne fut condamnée à la pauvreté. Oui, le philosophe aura d’amples richesses, mais elles ne seront ni dérobées à qui que ce soit, ni souillées du sang d’autrui : il aura des richesses acquises sans que nul en ait souffert, sans honteux profits, des richesses qui sortiront de chez lui aussi honnêtement qu’elles y, seront entrées, qui ne feront gémir personne,